đŸƒâ€â™€ïž // CHRONIQUE 12 MA CCC 2024

Je vais garder les litres de larmes qui vont couler en Ă©crivant ces lignes, ils pourront
peut-ĂȘtre me servir d’électrolytes sur la prochaine course.

Posons le contexte, voici 15 mois que j’attends cette course, que j’attends ce moment,
que je rĂȘve d’ĂȘtre ici. Durant ces 15 mois j’ai vĂ©cu des hauts et des bas, au moment les
plus hauts je me disais que j’allais vivre le plus jour de ma vie ce 30 aoĂ»t 2024 et au
moment les plus bas je me disais que je ne devais en aucun cesser de me battre pour
aller vivre le plus jour de ma vie.
Quoi qu’il se soit passĂ©, j’aimerai que tu saches que j’ai passĂ© ma plus belle journĂ©e en
montagne, qu’il sera dur d’égaler un jour tout ce que j’ai vĂ©cu et que je ressors que plus
forte et fiĂšre de cette aventure.
Je suis dĂ©solĂ©e d’avance si mon rĂ©cit n’est pas trĂšs clair mais je trouve trĂšs diOicile de
m’ĂȘtre des mots sur tout ce que j’ai vĂ©cu, je vais faire au mieux mais il se peut que je sois
confuse ou que je mélange des moments de course.
Aussi, avant de commencer, je voudrai aussi te dire que ce vendredi 30 aoĂ»t j’avais dĂ©cidĂ©
d’ĂȘtre trĂšs Ă©goĂŻste et de ne penser qu’à moi mais aujourd’hui j’aimerai juste dire un grand
merci à tous ceux qui de loin comme de prÚs ont participé à la préparation de cette course,
ont Ă©tĂ© prĂ©sent (peu importe de quelle façon) durant la course, m’ont soutenu et me soutienne
aprĂšs cette course.
Alors je ne sais pas exactement quel pouvoir à le corps mais je crois que le miens est doté
d’une grande amnĂ©sie. Je suis lĂ  entrain de te dire que j’ai vĂ©cu le plus jour de ma vie alors
qu’en fait je n’ai jamais connu l’enfer que j’ai pu connaütre sur cette course. Je sais au fond
de moi que j’ai vĂ©cu des moments diOiciles, mĂȘme de souOrances, et si je l’oublie mes
proches sont là pour me le rappeler et pourtant, je n’arrive absolument pas à m’en
souvenir. Mon souvenir, c’est celui d’un bonheur absolu en montagne.
Pour ne pas te cacher tout l’envers du dĂ©cor, tu dois savoir que la prĂ©paration de mon
assistance à cette course a été pleine de gros débats, de belles disputes mais rempli
d’amour. Nous avons passĂ© des soirĂ©es entiĂšres Ă  expliquer Ă  l’un des membres de ma
famille (pour ne pas le citer) qu’il Ă©tait impossible de se rendre Ă  tous les ravitaillements
car les navettes n’allaient pas assez vite. J’ai passĂ© des heures Ă  rĂ©expliquer quel sac il
fallait prendre pour quel ravitaillement. Finalement, je perdrais plus de temps à faire ça
puisque je me suis rendue compte le jour de la course qu’ils n’en avaient absolument rien
Ă  foute (pardon pour la vulgaritĂ©). En eOet, mon pĂšre s’est retrouvĂ© au ravitaillement oĂč il
ne devait pas ĂȘtre parce que tu comprendras bien sĂ»r que ma mĂšre en avait marre d’ĂȘtre
toute seule. Puis surtout, elle ne se rendant pas compte qu’elle allait se faire assassinat
si je n’avais pas ma paire de baskets au prochain ravitaillement. Mais par chance ou
malchance, je n’ai pas eu à commettre de meurtre. Surtout, je ne prendrais plus la peine
de sĂ©parer mes sacs puisqu’en arrivant aux ravitaillements tout Ă©tait absolument
mĂ©langĂ©. J’adore mes parents, je ne les changerai pour rien au monde. Et surtout, on adore ces moments car aujourd’hui ces souvenirs sont simplement merveilleux, on est si heureux d’avoir vĂ©cu ça ensemble tous les 4.
Bon maintenant que tu sais que ce n’était pas facile de tout goupiller, nous pouvons nous
rendre sur la ligne de départ.
Vendredi 30 août, 7h30 Courmayeur. Je crois que je ne réalise absolument pas que je suis
là pour prendre le départ de la CCC, pour courir 100km dans le massif du Mont-Blanc.
Mais m’y voilĂ , 8h15 j’entre tranquillement dans le sas de dĂ©part. 8h45, grosse excitation
qui monte et agitation autour de moi. Discours de Ludo Collet, musique UTMB, larme qui
coule à l’Ɠil
, j’y suis et je suis prĂȘte. Je me tiens lĂ , bien droite avec ma tenue de guerriĂšre,
mes Ă©couteurs dans les oreilles et je me sens prĂȘte. Je me suis levĂ©e, bien trop tĂŽt, mais
dĂ©terminĂ©e Ă  passer une journĂ©e merveilleuse, Ă  vivre des Ă©motions comme je n’en avais
jamais vĂ©cu. J’étais stressĂ©e mais pas trop, j’avais hĂąte, mon corps entier autant ma tĂȘte
que mes jambes avaient hùte. 9h, on est parti, des milliers de fauves lùchés dans
Courmayeur, c’était beau et je pense que mĂȘme si ça se revit ça reste Ă  chaque fois
unique.
On attaque doucement, qu’est-ce que je raconte, pas doucement du tout, la premiùre
montĂ©e celle qui nous mĂšne vers la TĂȘte des Tronches. Faut que tu saches que lĂ -bas il
n’y a pas de montĂ©e qui va doucement, quand tu montes, tu montes. Celle-ci, elle
attaque fort, histoire de te faire comprendre que tu n’es pas là pour les vacances. Avec la
premiĂšre montĂ©e vient les premiers bouchons et les seuls d’ailleurs, mais pas de stress,
pas de panique, la course et la journée seront longues alors on suit le petit train, on rigole
avec les copains de devant et de derriÚre. Une fois arrivée au sommet ça se disperse et
c’est parti pour rejoindre le refuge Bertone. Je me souvenais bien de cette partie, elle est
si belle. On avait fait plein de photos et de vidéos avec Ana pendant la reco, le Mont-Blanc
y est si beau vu de lĂ . Au refuge, il y a le premier ravitaillement, je m’étais dit que je n’y
arrĂȘterai peut-ĂȘtre pas car j’avais encore 2 flasques pleines et assez Ă  manger sur moi.
Mais le coca m’a fait de l’Ɠil, j’ai repensĂ© Ă  la chaleur et Ă  ce qui me restait jusqu’au
prochain ravitaillement alors j’en ai profitĂ© pour manger de la pastĂšque et faire le plein de
mes flasques, histoire d’avoir 2 litres sur moi et j’étais bien contente car j’ai vu 1litre5
jusqu’au ravito d’aprùs.
Je voulais, j’étais bien c’était beau, la musique Ă©tait aussi bonne que la mĂ©tĂ©o, je sentais
ce petit flow du plaisir quand tu surfes en montagne. C’était excellent, jusqu’à ce que je
loupe un virage et que je m’étale littĂ©ralement dans le ravin. Ce n’est qu’en rentrant chez
moi que je découvre des plaies dans le dos, des hématomes sur mes bras mais en me
relevant j’avais bien vu les plaies entre mes jambes. Bref, je me suis pris une belle boüte
et c’est peu dire. Mais j’étais dans ma course, rien ne me dĂ©concentrait alors aprĂšs avoir
hurlĂ© fort en tombant car j’avoue avoir eu trĂšs peur, j’ai dit au monsieur qui m’a aidĂ© :
« Merci beaucoup, tout va bien, on peut repartir. » et je n’ai pas attendu sa rĂ©ponse pour
me remettre Ă  courir.
J’arrive doucement mais toujours avec un grand sourire au 2ùme ravitaillement vers le
km25. Lorsqu’une bĂ©nĂ©vole me voit galĂ©rĂ© avec mon iso et mes flasques, elle me vient en
aide et me demande si j’ai besoin d’autre chose. Je lui dis que j’aurai besoin d’eau pour
me mouiller, elle me répond de ne pas attendre aux robinets à la sortie du ravitaillement
mais d’aller me mouiller dans la riviĂšre un peu plus loin. Je la remercie et me remet Ă  courir mais avant de partir elle me dit « Attends petite, je veux juste te dire que tu as l’airbien et si heureuse d’ĂȘtre ici ! ». Elle me dit cela avec un Ă©norme sourire lorsque je la remercie en lui disant que c’est gentil, elle termine en me disant « Ce n’est pas gentil, c’est vrai alors maintenant file ! ». Merci Ă  cette bĂ©nĂ©vole qui a trouvĂ© des mots beaux pour me donner le sourire alors que je savais que j’arrivais au pied du Grand Col Ferret. Mais j’avance vraiment bien, je profite des montĂ©es, je kiOe les descentes. Je n’oublie jamais de manger et de boire, je mouille ma casquette, mon visage, ma nuque, mes bras et mes jambes Ă  chaque fontaine ou ruisseau. Bref, j’adore, je suis bien et je ne pense Ă  rien. Si, je pense que j’ai de la chance, je me demande si je me rends compte de ce que je suis en train de faire, je me dis que je suis une grande malade mais j’adore.
J’arrive tranquillement Ă  la descente vers la Fouly. A l’entrĂ©e de la Fouly, mon frĂšre
m’attend et court un petit moment avec moi jusqu’au ravitaillement oĂč il est juste venu
voir comment je vais avec mon pĂšre. Et lĂ , je vais te raconter mon plus beau souvenir de
course ou en tout cas une chose qui m’aura marquĂ© dans cette course du dĂ©but Ă  la fin.
Petite parenthĂšse importante : Mon frĂšre, celui que j’ai emmenĂ© Ă  la Plagne, celui qui rĂąle,
celui qui m’a toujours demandĂ© pourquoi je fais ça, celui qui ne comprenait jamais ce qui
se passait pour aimer ça. Tout avait changĂ© et je l’ai compris quand le matin, Ă  5h40 je
m’installe Ă  l’arriĂšre de la voiture avec lui, je souOle un bon coup et je lui dis « Je crois que
j’ai peur ». Il m’a pris dans ses bras et m’a dit « Tout ira bien, tu vas faire ce que tu aimes ».
Une larme Ă  couler le long de ma joue alors il m’a serrĂ© fort contre lui. J’ai compris Ă  ce
moment-là qu’aujourd’hui il comprenait tout ça et qu’il me soutiendra peu importe ce
qu’il m’arrivera Donc, mon frĂšre est lĂ  Ă  la Fouly. Quand il me voit, quand je le vois, nous sourions et je me souviens des ses mots « Tif c’est gĂ©nial ce que tu fais, tu es forte, c’est beau. Tout va
bien pour toi ? Tu es en forme ? ». J’ai vu des Ă©toiles dans ses yeux et j’ai su qu’il Ă©tait fiĂšre
de moi, ça m’a rempli de force, de courage et d’envie. Je m’arrĂȘte au ravitaillement de la
Fouly pour encore manger de la pastĂšque, boire du coca et faire le plein sous les yeux de
mon pĂšre et de mon frĂšre. Ils me font chacun un bisou avant de me donner du courage et
de me dire que je dois continuer comme ça et que tout le monde est derriÚre moi.
La suite jusqu’à Champex est simple sur le papier mais plutît diOicile aprùs 40 bornes
car ça tape fort. Mais on s’accroche jusqu’à la montĂ©e vers Champex. J’explose
doucement dans la montée de Champex mais je me tiens au fait que je retrouve maman
pour le 1er ravitaillement avec assistance au lac. Et petite surprise dans la montée se
trouve la copine CloĂ© avec un peu de musique et beaucoup de mots d’encouragements.
J’arrive au ravitaillement, c’est le km54 environ, je pleure et je dis à maman que c’est le
truc le plus dur que j’ai fait de ma vie. Alors ici sache que je pleure vraiment parce que
c’est dur et que je me demande ce que je fous ici. Maman gùre comme un petit chef, elle
fait comme si elle ne m’avait pas entendu, me dit de sortir mes flasques pour qu’elle
puisse aller les remplir, que tout est prĂȘt sur la table et qu’elle revient avec les flasques
pleines et de la pastùque dans 2 minutes. Lorsqu’elle revient, elle me force un peu à
manger de tout et me dit qu’il est maintenant l’heure de repartir avant d’ajouter qu’elle a
60 euros de hors forfait car elle a utilisĂ© trop d’internet en Suisse. Je n’ai rien compris Ă  sa
derniÚre phrase qui me laissera un sujet de réflexion durant environ les 5 prochains km
de ma course. Elle est drĂŽle cette maman quand mĂȘme.

Je repars de Champex avec les encouragements de toutes les personnes autour du ravito,
c’est beau toutes ces personnes et ça donne envie d’avancer. Je cours bien jusqu’au pied
de l’alpage Bovine oĂč je commence Ă  marcher mais avec un bon rythme dans cette belle
montĂ©e que j’apprĂ©hendais beaucoup. Et lĂ , c’est le dĂ©but de la fin, l’enfer qui dĂ©marre.
Alors, je suis dĂ©solĂ©e, je n’arriverai pas Ă  faire un roman sur mon enfer, je n’arriverai pas
non plus Ă  justifier mes choix et je ne suis pas certaine de pouvoir raconter cette partie
de la course. Je ne veux pourtant en aucun cas la cacher et je souhaite ĂȘtre totalement
transparente mais je ne me souviens pas de grand-chose, peut-ĂȘtre un tri sĂ©lectif de mon
corps et de mon esprit.

En tout cas, le dernier souvenir de joie que j’ai pu avoir c’était dans cette montĂ©e, je vois afficher
62 km sur ma montre avec un chrono de 9h20 et je m’entends me dire « tu es solide ma petite, c’est ce que tu fais y a 2 ans sur la 6000D alors accroche toi, c’est beau là » puis j’ai senti mon pied, ma cheville. J’ai essayĂ© de l’ignorer, de me dire que c’était juste bloquĂ©, puis une larme Ă  couler sur ma joue quand j’ai posĂ© mon pied sur un caillou et que j’ai eu mal, extrĂȘmement mal. J’avais dĂ©cidĂ© de faire cette montĂ©e et de voir comment j’allais ĂȘtre dans la descente, peut-ĂȘtre qu’en dĂ©roulant ça irait mieux. Non, ça n’allait pas mieux. J’ai pris mon tĂ©lĂ©phone et j’ai contactĂ© les personnes de ma liste d’urgence, j’ai pleurĂ© beaucoup et je leur ai demandĂ© comment j’allais faire si je devais m’arrĂȘter.

Je me suis accrochĂ©e jusqu’à Trient, lĂ -bas j’ai vu des supers kinĂ©s, ils m’ont strapĂ©e et m’ont dit d’aller me poser un peu et de bien manger quelque chose de chaud car avec tout ce temps mon corps s’est refroidi. 

Je repars de Trient prĂȘte Ă  rallier la ligne d’arrivĂ©e. J’ai mĂȘme trottinĂ©, c’est pour te dire,  pourtant, 3km plus loin je me disais que j’allais faire demi-tour tellement j’avais mal quand je posais le pied. C’était dĂ©cidĂ© Ă  Vallorcine j’arrĂȘtais. Oui, je n’allais quand mĂȘme pas faire demi-tour j’avais un peu de fiertĂ© quand mĂȘme.

Finalement, Ă  Vallorcine je vois Laura et une fille me propose de terminer en marchant, alors pourquoi pas ! Mais non, au Col des Montets, j’ai effectuĂ© un ultime questionnement avec moi : Tiffany quel est ton objectif ? Quel est ton rĂȘve ? Que fais-tu ici ? Je rĂȘve de terminer cette CCC, de passer cette arche d’arrivĂ©e avec le sourire, beaucoup de plaisir et mon objectif c’était de passer une journĂ©e de kiffe en montagne, accompagnĂ© de ce flow dont je te parlais mais je n’y Ă©tais plus alors j’ai dĂ©crochĂ© mon dossard avec beaucoup de fiertĂ©. 

Une fois mon dossard dĂ©crochĂ©, ma montre arrĂȘtĂ©e j’ai eu peur, peur de tous vous dĂ©cevoir mais surtout peur de dĂ©cevoir celui Ă  qui j’avais mis des Ă©toiles dans les yeux toute la journĂ©e et quand il m’a dit « Tu ne me dĂ©cevras jamais, je ne suis pas capable de faire la moitiĂ© de ce que tu fais, tu as Ă©tĂ© belle ma sƓur, nous on t’aime » alors je n’avais plus aucun regret.

J’ai touchĂ© mon rĂȘve du bout de mes doigts mais un rĂȘve est fait pour ĂȘtre rĂ©alisĂ© correctement alors oui, j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©goĂŻste et je n’ai aucun regret de l’avoir Ă©tĂ©, c’est encore plus forte et dĂ©terminĂ©e que je reviendrai te voir Chamonix.

Un dernier mot pour remercier du plus profond de mon cƓur les personnes qui ont Ă©tĂ© lĂ  physiquement, Ă  savoir ma famille mais aussi les personnes qui Ă©taient prĂ©sentes de loin encore tard dans la nuit. Celles que j’ai eu au bout du fil durant des heures, celles qui ont rĂ©pondu Ă  tous mes messages, celles qui au moment de mon DNF m’ont directement envoyĂ© un message et celles qui avaient mis un rĂ©veil pour vĂ©rifier mon arrivĂ©e au milieu de la nuit. 

Le lendemain de la CCC, on m’a demandĂ© pourquoi j’aime ça, pourquoi je fais ça et j’ai simplement rĂ©pondu : parce que j’aime vivre, dans ces moments-lĂ  je me sens vivante, je me sens excitĂ©e mais surtout lors de cet effort lĂ  je vis les Ă©motions d’une vie entiĂšre. J’aime ça car le temps d’une journĂ©e j’ai l’impression d’avoir vĂ©cu une vie.

J’ai hĂąte de remettre mes baskets et filer vers l’avenir pour voir ce qu’il me rĂ©serve.

Article Tiffany Prinz.

À VOS AGENDAS
JEUDI 1ER MAI
RAID MIXTE URBAIN EN DUO Ă  STRASBOURG

DU 07 AU 09 JUIN
RAID FÉMININ EN DUO À SAALES

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