💚 // CHRONIQUE 6 ET COUP DE CƒUR D’UNE TRAILEUSE PASSIONNÉEđŸƒâ€â™€ïžđŸƒâ€â™€ïž

Chronique n°6
La face cachée

Je recommence Ă  Ă©crire ce texte pour la milliĂšme fois, ce n’est vraiment pas facile de poser es mots sur tout ça. Ici, je prends mon courage Ă  deux mains plutĂŽt que de prendre mes jambes Ă  mon cou et je me mets Ă  nu pour te raconter ce qui se cache derriĂšre mon large sourire, tout au fond de mes baskets.

Ça fait quelques temps que je te dis que j’entretiens une relation particuliĂšre avec le trail, la nature et la montagne. Je te dis qu’on est un peu comme un couple, que ça s’apparente Ă  de l’amour mais peut-ĂȘtre qu’en fait c’est de la reconnaissance.

« Aujourd’hui je le sais, j’en dois une belle au trail »

Je sais plus trop si je l’ai dĂ©jĂ  racontĂ© ou pas, je vais peut-ĂȘtre radoter, au pire tu sauteras ce passage. J’ai commencĂ© Ă  courir en 2019 parce que je pouvais vraiment plus me voir dans un miroir, je savais plus comment m’habiller, mon corps et moi c’était la 3Ăšme Guerre Mondiale. Je ne vais pas te dire qu’aujourd’hui on s’accorde Ă  merveilles mais c’est un autre sujet, en tout cas, on arrive Ă  cohabiter et Ă  se respecter mutuellement c’est dĂ©jĂ  ça. Bref, je commence Ă  courir et pour faire rapide j’aime vraiment ça petit Ă  petit. Finalement, je me sens de mieux en mieux, je trouve un Ă©quilibre dans ma vie entre le boulot, le sport, l’alimentation, les sorties, les amis et la famille. J’ai un peu la vie de rĂȘve. J’ai comme on l’entend souvent : TOUT
POUR ÊTRE HEUREUSE.

Mais, il y a 2 ans Ă  peu prĂšs, malgrĂ© ce « tout pour ĂȘtre heureuse », j’étais dĂ©sespĂ©rĂ©ment malheureuse. Tu vas te dire et tu as le droit car je me le suis dit moi-mĂȘme : elle est barge la fille, elle perd le poids qu’elle veut, elle a des amis au top et une famille en or, elle fait un mĂ©tier qu’elle aime et elle se plaint, elle pleure, elle rĂąle, elle est triste. En fait, elle a un problĂšme, elle cherche un truc pour aller mal. Je me suis dit ça pendant longtemps, je me suis convaincue moi-mĂȘme que j’étais simplement folle, que je devais me bouger un peu au lieu de rester enfermer dans ma tristesse, que c’est bon y a mille fois pire sur Terre.

Enfin bon, comme je suis lĂ  Ă  t’écrire ma vie, autant te dire toute la vĂ©ritĂ©. J’étais absolument devenue une personne vide d’émotions, ce que les autres pouvaient ressentir ça m’était bien Ă©gal et je n’avais vraiment aucune pitiĂ© sur ce que je disais et la façon dont je le disais. En fait,
soyons honnĂȘte, j’étais horrible avec mes proches. Oui, encore plus horrible que sur les ravitaillements, allez on a le droit de rire quand mĂȘme. Il m’arrivait d’avoir des moments de crises de panique oĂč j’hurlais parce que je craignais de ne pas rĂ©ussir Ă  tout faire dans une journĂ©e ou bien parce qu’il fallait ajouter un imprĂ©vu Ă  mon programme. C’est simple, soit je pleurais, soit je criais, soit j’étais beaucoup trop heureuse mais dans tous les cas je devais absolument tout contrĂŽler et il ne devait y avoir aucune place pour l’inattendu. Quand je te dis que j’étais trop heureuse, c’étaient vraiment des moments de folie, un sentiment oĂč tu es capable de faire en 24h ce que certains font en 1 semaine, genre tu es au-dessus de tout, forte et intouchable, ce que tu fais, tu le rĂ©ussis.

J’ai mis un peu de temps, un temps qui devait paraĂźtre interminablement long pour ceux qui partageaient mon quotidien, mais je m’en suis rendue compte et j’ai dĂ©cidĂ© de me faire aider.

Je suis allĂ©e voir mon mĂ©decin traitant, j’ai tout racontĂ© en lui disant : « Pour moi, c’est vivable, je ne gĂšre pas vraiment mes Ă©motions mais franchement je m’y fais. Je me rends bien compte que c’est dans les extrĂȘmes, je vais trĂšs mal mais ce n’est pas bien grave puisqu’aprĂšs je vais
aller trĂšs bien. En revanche, il faut que vous m’aidiez parce que je ne supporte plus de rendre malheureux les gens qui m’entourent, me soutiennent et m’aiment. »
Bon, on a fait plein de recherches, on a essayé plein de solutions, on a fouillé un peu dans mon passé de meuf un peu dépressive, toujours stressée, beaucoup trop angoissée en se rendant
compte que les petites dĂ©primes Ă©taient plutĂŽt frĂ©quentes, pas bien longues et frĂ©quemment suivies de moments oĂč tout Ă©taient merveilleux. Je te dis tout ça en accĂ©lĂ©rĂ© pour arriver au fait qu’un beau matin, aprĂšs m’ĂȘtre rendue chez un psychiatre tout en me demandant ce que je foutais lĂ , on m’a dit : voilĂ , madame, vous ĂȘtes cyclothymique.

La cyclothymie c’est une forme de bipolaritĂ©. Une alternance de phase maniaque (forteeuphorie) et de phase dĂ©pressive (grosse baisse de l’humeur). Un trouble de l’humeur qui prĂ©sente des phases plus courtes et moins intenses que la bipolaritĂ©.

Face au diagnostic, j’ai eu deux rĂ©actions : au moins je sais que je ne suis pas folle j’ai vraiment un truc qui ne va pas, une forme de soulagement et d’un autre cĂŽtĂ© je me disais super alors on va dire que tout vient de lĂ , c’est bon je suis casĂ©e. AprĂšs, je me suis calmĂ©e, j’ai pris rendez-vous chez une psychiatre pas loin de chez moi. Quand j’y suis allĂ©e, elle m’a dit que je devais prendre des mĂ©dicaments. Bien sĂ»r, je vais prendre un traitement qui va changer ma vie comme par miracle. J’ai longtemps refusĂ©, tout en allant la voir rĂ©guliĂšrement puis je me suis bien rendu compte que c’était rĂ©ellement invivable pour mon entourage alors j’ai commencĂ© un traitement de rĂ©gulateur d’humeur. Rapidement, mes humeurs se sont rĂ©gulĂ©es et je me sentais bien plus apaisĂ©e.

MAIS
 je suis absolument certaine aujourd’hui aprĂšs plusieurs mois, plusieurs Ă©tapes de vie passĂ©es, du recul et l’arrĂȘt de mon traitement, que les mĂ©dicaments n’ont pas tout fait.
D’abord, j’ai dĂ» accepter la prĂ©sence de ce truc et vivre avec ça mais il Ă©tait hors de question que la cyclothymie guide ma vie. Et pour se faire, je me suis trĂšs souvent rĂ©fugiĂ©e dans le sport. En fait, le trail c’est un peu comme cette maladie, tu es tout en haut puis tu redescends tout en bas, tu vis des extrĂȘmes dans un temps trĂšs courts.
A partir de ce moment-lĂ , j’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  courir seule.
Je suis vraiment dĂ©solĂ©e si cet Ă©crit part un peu dans tous les sens mais c’est plutĂŽt compliquĂ© de t’expliquer tout ce qu’il s’est passĂ©. J’espĂšre que tu comprendras ce que je veux te dire et que tu ne me tiendras pas rigueur de cette pagaille. Alors, je te disais que courir seule Ă©tait vraiment devenu un plaisir et mĂȘme au-delĂ  c’était un besoin. LĂ  oĂč avant j’avais besoin d’ĂȘtre accompagnĂ©e, maintenant j’ai davantage le besoin et l’envie de me retrouver seule. Des moments de footing, des sorties longues ou d’intensitĂ© en solitaire m’ont permis de me retrouver face Ă  moi-mĂȘme, je devais me confronter Ă  moi et mes Ă©motions. En fait, il n’y avait plus personne Ă  cĂŽtĂ© de moi sur qui je pouvais crier ou Ă  qui je pouvais en vouloir. J’étais l’unique personne qui devait apprendre Ă  gĂ©rer tout ce que je pensais et je ressentais. J’ai fait couler des milliers de larmes, j’ai laissĂ© des millions de sourire et aujourd’hui je porte une tonne de fiertĂ© d’avoir pu me battre contre moi-mĂȘme avec moi-mĂȘme.

Quand j’allais mal, j’enfilais mes baskets pour me dĂ©fouler, sortir ma haine, Ă©liminer ma tristesse, faire entrer les endorphines pour me sentir mieux.
Quand j’allais bien, j’enfilais mes baskets pour prendre un maximum de plaisir.
Oui, le trail m’a un peu sauvĂ© ! Il a Ă©tĂ© lĂ  dans le pire et dans le meilleur, il a su m’accompagner et me soutenir tout en me montrant que j’étais la personne centrale, que tout dĂ©pendait de moi et que c’était Ă  moi d’agir.

Simplement, quand on me demande ce que le trail et le sport m’apporte dans ma vie ?
Dans mon quotidien ?
Je n’ai aucune hĂ©sitation Ă  rĂ©pondre : un Ă©quilibre.
Le trail m’a permis de me dĂ©couvrir au plus profond, d’apprendre Ă  me connaĂźtre par cƓur alors que j’étais une inconnue, de gĂ©rer mes Ă©motions lĂ  oĂč je pouvais totalement exploser.
Le trail a Ă©tĂ© m’a bouĂ©e de secours autant que tes semelles orthopĂ©diques ont soignĂ© ta pĂ©riostite, pour l’humour et la comparaison. Et je te parle de trail, et pas de course Ă  pied, parce que le fait de me retrouver en nature a contribuĂ© Ă  ça. Dans la nature on se sent hostile mais on doit pourtant se dĂ©brouiller seule et par soi-mĂȘme.

Encore une fois, ne m’en veux pas mais je pose mes idĂ©es comme ça, comme elles me viennent en tĂȘte. Je n’arrive pas Ă  Ă©crire ce texte diffĂ©remment parce qu’en pensant Ă  ça, beaucoup trop de choses me viennent Ă  l’esprit.

Parfois pendant une course, surtout quand elle est longue, je peux avoir un coup de moins bien alors je m’accroche Ă  tout ça en me disant que j’ai vĂ©cu bien pire qu’un coup de mou sur un trail qui pourra se rĂ©gler avec un simple verre de coca et ça passera. Souvent ce que tu vis dans ta vie quotidienne peut t’aider Ă  tenir sur une course, en tout cas penses-y la prochaine fois ! On dit rĂ©guliĂšrement que l’on a tous une raison de courir, je crois que quand on dit ça on parle exactement ce que je viens de t’évoquer. Mais du coup, l’inverse est vrai aussi. Tu vois, parfois j’ai des moments un peu down (comme tout le monde) alors je me rappelle ce dont j’ai Ă©tĂ© capable dans le sport et je me dis que si j’ai pu faire 110km, je vais bien rĂ©ussir Ă  passer ce moment un peu difficile.

Il y a trĂšs peu de temps, j’ai arrĂȘtĂ© mon traitement, je crains de revivre tout ça mais en mĂȘme temps je sais que je suis capable le gĂ©rer, de le prĂ©venir. J’ai peur dans chaque sas de dĂ©part et pourtant tout se passe relativement bien en gĂ©nĂ©ral. Alors, j’ai dĂ©cidĂ© qu’à partir de maintenant, chaque matin sera une nouvelle course dont je prends le dĂ©part avec une petite apprĂ©hension mais toujours pour y vivre des moments plus beaux les uns que les autres et y ressentir des choses exceptionnelles le sourire aux lĂšvres. C’est comme ça que j’avance sur les sentiers alors autant l’appliquer Ă  ma vie aussi.
Attention, ici je ne te dis pas que c’est parce que des fois tu vas mal puis tu vas bien que tu es bipolaire. Je ne me livre pas Ă  toi pour me plaindre ou pour embellir mon histoire. En fait, je me disais juste que partager ça, ça pourrait normaliser les mal-ĂȘtre psy ou encore motiver des personnes Ă  se mettre au sport dans des moments difficiles. Je veux juste te partager une partie de mon histoire pour rendre la chose plus accessible, te montrer que tu n’es pas seule, que tu puisse discuter de ça avec un(e) ami(e) qui se trouve dans une situation compliquĂ©e par exemple.

Quand j’ai dit Ă  ma psy que j’avais peur de tout arrĂȘter, elle m’a rĂ©pondu : « Vous n’avez rien Ă  craindre car vous faites tout pour aller bien : du sport, une alimentation Ă©quilibrĂ©e, une vie avec des horaires stables ».
PS : tu remarqueras que ma pratique du sport peut paraĂźtre tout autant extrĂȘme que les phases de ma maladie. C’est un sujet dont on a longtemps parlĂ© avec la psy, nous avons conclu que je fais rĂ©ellement ça par plaisir car je me sens mieux dans ces longues distances. Mais d’aprĂšs elle, il doit malgrĂ© tout y avoir une corrĂ©lation entre les deux et je dois veiller Ă  ne pas aller trop dans l’extrĂȘme. Mais entre nous, je crois qu’elle et moi n’avons pas la mĂȘme notion d’extrĂȘme.
Du coup, pour cette fois, il n’y a pas vraiment de coup de cƓur car je n’ai pas trouvĂ© d’athlĂšte Ă  prĂ©senter dans ce mĂȘme sujet. C’est un sujet encore tabou, je n’ai pas voulu aller chercher dans l’intimitĂ© de ceux qui ’entourent. Mais ce que je te propose, c’est de te partager des Ă©crits sur la bipolaritĂ© et le sport puis si tu as des questions n’hĂ©site pas Ă  venir vers moi, je n’ai pas peur de parler de ça.

Des guides, des explications :

– https://hub.vidal.fr/files/uploads/resources/pap_brochure-troubles-bipolaires_200218.pdf

– https://drive.google.com/file/d/1c5HPzeoECcQ_UN4-MhxIh_ob7uCWBkax/view?FIRSTNAME=tiffany&email=tiffany.prinz%40outlook.fr
– https://journalmamater.fr/2020/03/06/la-bipolarite-dans-le-sport/
– https://www.lebipolaire.com/lhygiene-de-vie-contrer-bipolarite/
– https://www.youtube.com/watch?v=veq7wta4pPU

Des exemples et des témoignages :

– https://bipolaritefrance.com/olivier-galli-athlete-et-ambassadeur-de-bipolarite-france

– https://www.nightline.fr/tete-la-premiere-emma-basket
– https://www.lalsace.fr/sport/2022/11/23/centlivre-l-homme-qui-se-soigne-a-velo

– https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230215-dennis-ombachi-le-sportif-bipolaire-qui-sensibilise-aux-maladies-mentales

Aussi, ce qui est vrai pour un bipolaire est vrai pour tout le monde, ton hygiÚne de vie et le sport ne pourra que te faire te sentir mieux en général.
Si j’ai osĂ© te dire tout ça c’est parce que j’ai parcouru beaucoup de chemin et aussi parce que lors de ma derniĂšre sortie longue j’ai Ă©coutĂ© l’épisode « Baptiste Chassagne – Quand la fragilitĂ© devient une force » du podcast Extraterrien oĂč Baptiste Chassagne ainsi que BarthĂ©lĂ©my Fendt se livrent eux mĂȘme sur des parties qui pourraient rester bien cachĂ©es aux yeux de tous mais qu’il semble important de dire pour faire avancer certaines choses.

Article Tif Prinz